Quand un grand champion se confie au P’tit Trailer de manière si spontanée et humble, on ne peut être qu’admiratif… C’est au tour de Sylvain Court, 36 ans, militaire de profession, Champion du Monde de Trail 2015 et deux fois Champion de France, membre de la Team TSL, de nous en dire un peu plus sur sa gestion sportive en confinement…
LPT : Bonjour Sylvain, merci de m’accorder un peu de ton temps. Comment vas-tu en cette période un peu spéciale ?
SC : Ça va. Le confinement est quelque chose que j’ai déjà expérimenté lors de ma mission de 4 mois et demi sur le porte avion Charles de Gaules. Jusqu’à présent, le moral est bon.
LPT : Comment concilies-tu vie privée et travail en ce moment ?
Sylvain Court : Je n’ai pas été appelé en mission pour le moment du coup je ne travaille pas actuellement. J’ai la chance d’être confiné chez moi avec ma compagne en maison avec jardin, à la montagne… On peut dire que je suis privilégié de ce point de vue par rapport à d’autres. J’occupe mes journées entre différentes activités : du bricolage, du sport, etc…
LPT : Côté sport, comment fais-tu pour continuer à t’entrainer, garder la forme ? Et quel est ton programme d’entrainement ?
SC : Dès le début du confinement, j’ai appelé Philippe Propage, mon entraineur, afin de réadapter mon entrainement d’autant plus qu’il n’y a plus d’objectifs à court terme.
Comme je te l’ai dit, j’ai été en mission sur le Charles de Gaulle et j’ai déjà eu une expérience de l’entrainement en confinement. A l’époque, je m’étais géré tout seul mais cette fois-ci, j’ai préféré refaire le point avec mon entraineur.
Les conditions sont beaucoup moins favorables sportivement. Il faut tout réadapter et penser plus en termes de sport santé et de maintien que d’objectif. D’habitude en cette période, on profite du printemps pour les sorties longues de 3 ou 4 heures mais là, il faut plutôt reprendre l’entrainement court accès développement de la VMA, un peu comme un entrainement hivernal finalement. Et toujours dans le respect de la réglementation actuelle en termes de durée et de distance…
Du coup, actuellement, je maintiens 2 sorties de course à pied par semaine : une de VMA courte et un footing. Je compense en faisant beaucoup plus de Home Trainer. Même si je viens du VTT, je ne préfère pas sortir en vélo dehors en ces temps de confinement. Il vaut mieux éviter la moindre chute pour ne pas risquer d’encombrer les hôpitaux. Il faut respecter et être solidaire.
J’ai de la chance car je me suis fait plaisir à Noël en achetant un super Home Trainer connecté. Sans savoir d’avance ce qui allait se passer, je ne regrette vraiment pas mon investissement…
J’ai une pensée pour tous ceux qui sont confinés en appartement et qui n’ont pas de Home Trainer… Cela ne doit vraiment pas être évident pour l’entrainement.
LPT : Le temps que tu consacres à l’entrainement a été drastiquement réduit ?
SC : A l’année, je m’entraine entre 8 et 12 heures par semaine. Et pendant le confinement, entre 4 et 8 heures par semaine.
LPT : Fais-tu plus de renforcement musculaire qu’en temps normal ?
SC : Oui, j’ai augmenté mon volume de renforcement musculaire. Je suis beaucoup plus adepte de renforcement poids du corps que de la musculation avec poids. J’aime varier les exercices du style grimper de corde (même si je n’en ai pas ici), pompes, abdos, gainage etc….
J’en profite pour développer des nouvelles séances à l’entrainement pour voir ce que cela peut donner dans ma prépa. Par exemple, cela fait 3 semaines que je teste une séance avec bâtons. Je l’ai d’ailleurs mise en ligne sur Instagram et Facebook si elle peut intéresser des traileurs….
LPT : Oui je l’ai vu. Elle est très intéressante et originale. Justement, tu parlais sur les réseaux sociaux de refaire d’autres vidéos de ce type ….
SC : Exactement. Avec mon amie, on a eu l’idée de faire des vidéos courtes sur l’entrainement. Alors je précise que je ne suis pas du tout expert dans le coaching. Je sais rester à ma place. Mais c’est vrai que les sportifs qui me suivent sont toujours demandeurs de conseils et intéressés pour découvrir les entraînements des athlètes élites… Alors pourquoi pas, en cette période où j’ai un peu plus de temps, varier un peu ma communication.
Les vidéos seront des formats courts d’une ou deux minutes que nous diffuseront sur Insta et Facebook. Elles seront axées sur un entrainement qualitatif. On a un logiciel avec musique etc… Ça va être sympa…. On a prévu une à deux vidéos par semaine. Mais si vous en souhaitez plus, ou différemment, je suis preneur d’idées…
Comme pour ma vidéo d’entrainement avec bâtons, moi, j’ai besoin de m’amuser en faisant du renfo. Les séances seront donc ludiques et rigolotes. J’espère ne pas trop paraître farfelu avec mes idées…
LPT : pas du tout, ta vidéo était très intéressante et spécifique. J’ai hâte de voir les suivantes. J’en profite pour te demander ce que tu penses des défis que se lancent beaucoup de coureurs actuellement (marathon dans le jardin, 24 heures dans les escaliers etc…)
SC : Je respecte tout à fait cette envie et je dois dire que je suis même admiratif…. Il faut une sacrée volonté morale pour pouvoir faire ça. Personnellement, cela ne m’attire pas. Je suis plutôt attiré par les défis du style : monter le plus vite possible un sommet… Mais il en faut pour tous les goûts. Chacun gère cette période sportive comme il l’entend, à partir du moment où on le fait dans le respect de la réglementation.
LPT : Côté alimentation, fais-tu un peu plus attention que d’habitude ou suis-tu un régime alimentaire particulier ?
SC : Aucun changement pour moi de ce côté. Je suis un gourmand, un bon vivant, surtout concernant les sucreries… J’essaye de garder toutefois une alimentation équilibrée avec beaucoup de fruits et de légumes. Mais en cette période, il faut aussi savoir se faire plaisir…. Par exemple, pour nous, hier soir c’était crozets au reblochon et ce midi croque-monsieurs salade de mâche…
Malgré la réduction de l’entrainement, je n’ai pas pris de poids. En temps normal, c’est un mois avant un gros objectif que je fais attention à mon alimentation et je sais à quel point c’est dur mentalement… Donc il ne faut pas trop en rajouter avec cette période déjà pas facile à vivre. Pendant le confinement, c’est essentiel pour le mental de se faire plaisir.
A défaut de montagne, on profite de l’assiette 😊
LPT : Quelles sont les courses auxquelles tu n’as ou ne pourras pas participer pendant cette période ? Et quels vont être du coup tes objectifs pour 2020 ?
SC : Je n’ai pas pu faire le 10 km d’Aix-Les-Bains où mon objectif était de battre mon record (soit 31 min 40 secondes) … La Sainte Victoire et La Bouillonnante ont été annulées… Le championnat de France à la Pastourelle aussi. Ce que je regrette beaucoup car j’y aurai fêté mes 10 ans de rencontre avec mon entraineur, Philippe Propage… Pareil pour le Marathon du Mont Blanc où j’aurai dû être sur le 45 km. Et également annulation de l’OUREA Trail, la course sur 8 jours qui devait se dérouler en juillet à Avoriaz.
Persiste un gros point d’interrogation concernant l’UTMB … où cette année je suis engagé sur mon format de prédilection (100 km) avec la CCC. Il y aura par la suite les Templiers et éventuellement un ultra en Afrique du Sud, l’ultra-trail® Cape Town.
LPT : Tu voudrais rajouter un mot sur ce que l’on vit actuellement ?
SC : C’est une période qui appelle forcément à une réflexion sur notre mode de vie… C’est une période où la solidarité doit régner, où il faut se serrer les coudes et penser plus à son prochain qu’à soi-même.
Je rends hommage comme tout le monde au personnel soignant. Merci à eux ! J’ai aussi une pensée particulière pour ceux qui sont confinés seuls en appartement, sans lien social… Cela doit être dur mentalement et j’espère qu’il n’y aura pas trop de dépression…
Il faut penser cette période comme un ultra pour rester fort mentalement… On va bientôt voir la fin du tunnel…
LPT : questions ping-pong. Je te donne une question et tu me réponds en un mot
- Un sportif : Julien Absalon
- Un animal : Le tigre
- Un lieu : Le pic du Frêne
- Une qualité : Le partage
- Un défaut : L’impatience
- Un plat préféré : Un opéra
- Une boisson : de Lambrusco
- Un objet fétiche : Une peluche que j’ai depuis ma naissance