À bientôt 34 ans, Nicolas Martin a un palmarès impressionnant acquis grâce à sa régularité à l’entrainement et sa pugnacité… Champion de France 2017, Vice-Champion du monde 2016 et Champion du monde par équipe de trail 2019… Membre de la Team Hoka International depuis 2017 et de la team BV Sport, licencié à l’Entente Athlétique Grenoble 38 depuis 2011, ce membre de l’équipe de France de trail et de course en montagne a décidé de devenir traileur semi-professionnel et de vivre de sa passion.
À 17 ans, il se tourne vers le trail pour le plaisir de concilier le sport à son attrait pour la nature et les grands espaces. Tout d’abord orienté vers une pratique « amateur », ce n’est qu’en 2010 qu’il décide de se diriger vers une pratique plus compétitive avec un entrainement plus structuré qui lui permettra de développer toutes l’étendue de ses capacités physiques et mentales. Cet athlète, qui aime repousser ses limites, est aujourd’hui installé parmi les meilleurs traileurs mondiaux grâce à une progression régulière dans le haut niveau.
D’un naturel discret, ce grand champion a accepté de nous en dire un peu plus sur sa gestion sportive du confinement et ce que cette période lui inspire…
LPT : Bonjour Nicolas, merci de m’accorder un peu de ton temps. Comment vas-tu en cette période un peu spéciale ?
NM : La situation n’est pas tellement spéciale pour ceux qui ont la chance ou fait le choix de vivre proche de la nature. Il y a quelques privations de liberté mais la nature continue de vivre et il faut bien faire la même chose quand on vit à son contact. Par exemple, nous avons quelques animaux avec ma compagne et ils ne vont pas attendre la fin du confinement pour continuer à vivre. Il est temps aussi de se mettre à jardiner. Je crois que cette période est assez symbolique du sens qu’on veut donner à sa vie.
Pour le reste, la situation globale est compliquée et j’espère que nous en tirerons des enseignements pour le futur.
LPT : Comment gères-tu ton temps entre ta vie privée et ton travail ? Le confinement a-t ’il changé beaucoup de choses pour toi dans ces domaines ?
NM : Mon travail ou plutôt ma source de revenus, elle provient majoritairement du trail donc je suis au chômage technique mais sans les aides que peuvent avoir certains. Du coup, ma vie est bouleversée sur ce plan mais rien d’inquiétant. Je suis en pleine forme, je ne suis pas vraiment confiné donc tout va bien. On avisera après la crise pour les aspects financiers qui sont bien secondaires pour ma part.
En revanche, les choix actuels m’inquiètent à cause des dégâts énormes qu’ils vont avoir sur l’économie et par rebond sur le plan social. Individuellement, on peut toujours s’en sortir mais collectivement, je suis moins optimiste.
LPT : Côté sport, comment fais-tu pour continuer à t’entrainer, garder la forme ? Et quel est ton programme d’entrainement ?
NM : J’ai un HT, j’ai un grand jardin et surtout une forêt déserte à proximité de ma maison. Autant dire que garder la forme ne présente pas la moindre difficulté. Vu les temps légaux, la préparation est forcément axée sur la qualité vu qu’il faut oublier la quantité. Globalement, pour un sportif de haut niveau, il est surtout compliqué de programmer son entrainement en ayant aucune vision sur les prochaines compétitions. Néanmoins, j’aime avant tout m’entrainer donc je maintiens un certain niveau d’activité tout en restant raisonnable sur les charges d’entrainement.
En ce moment, je pratique une activité physique, je ne parle pas d’entrainement à proprement parler. Je suis plus ou moins le plan du coach selon mes envies. J’aime avant tout faire du sport et être privé de compétition, ce n’est pas du tout un problème.
De manière plus précise, j’alterne des footings en nature, des séances de PMA sur HT avec des exercices de PPG et de PPS. Cette semaine, j’ai ressorti le vélo autour de la maison, c’est très ludique. Les souvenirs de mon enfance reviennent, je me prenais pour un champion du Tour de France. C’est une période précieuse pour apprécier encore plus intensément la vie et la chance immense de faire du sport en pleine santé.
LPT : Je suppose que tu fais du renforcement et de la musculation ? En comparaison à l’avant confinement tu en fais beaucoup plus ?
NM : Je ne suis pas très fan du renforcement et de la musculation. J’en fais tout le temps un peu mais je n’ai pas vraiment modifié mes habitudes. Il faut aussi comprendre que j’habite un village avec 40 habitants et en plus de 15 ans de course à pied, je n’ai quasiment jamais croisé un autre coureur. Me confiner strictement comme un citadin ou un habitant d’une périphérie peuplée, ça n’a guère de sens. Le bon sens a aussi le droit de s’exprimer malgré les règles. Cela dit, nous avons un jardin, des arbres à tailler, des piquets à planter. Comme disait un ancien, « le sport, c’est pour ceux qui n’ont rien à faire. » 😉
LPT : Question qui fâche pour certains, côté alimentation, fais-tu un peu plus attention que d’habitude ou suis-tu un régime alimentaire particulier ?
NM : Non, c’est même plutôt le contraire mais je ne prends pas de poids. Il faut savoir se faire plaisir en cette période qui est dénuée du moindre objectif sportif. J’ai toujours pensé que la rigueur alimentaire ou au moins la contrainte sur ce plan est toujours contreproductive sur le long terme. Je préfère lâcher du lest en ce moment et faire preuve de rigueur quand nous pourrons retrouver les sentiers en compétition. Néanmoins, comme tout sportif d’endurance qui veut prétendre à une démarche de haut niveau personnel, il faut adopter des bonnes habitudes alimentaires.
Personnellement, je crois beaucoup à l’importance de bien manger au quotidien et de s’accorder des petits plaisirs. C’est comme l’entrainement, il n’y a pas de recette miracle. S’il y a de la rigueur de manière globale, les écarts n’ont aucune incidence majeure.
LPT : Quels vont être du coup tes objectifs pour 2020 ? Et quelles sont les courses auxquelles tu ne pourras pas participer ?
NM : Les objectifs sont difficiles à définir. On va dire que si nous avons des objectifs, ce sera plutôt une bonne nouvelle. Vu la situation, je crois qu’on peut oublier les objectifs internationaux pour cette saison. J’avais prévu de faire les Golden Trail World Series. Zégama est déjà annulé, ça sera quasiment impossible pour le marathon du Mont Blanc. Idem pour la CCC, c’est en suspens. L’Ourea Trail est annulé. On verra dans les mois à venir mais j’ai déjà accepté que la saison sera très particulière.
Pour la fin de saison si elle peut se dérouler normalement, j’ai prévu de faire les championnats de France de course en montagne puis de trail qui sont à proximité de la maison. C’est un défi intéressant et en phase avec mon envie de limiter les déplacements. Ensuite, il y aura les Templiers puis on verra la situation sanitaire à ce moment-là.
Je me prépare aussi, mentalement, à une saison blanche et ça me conforte dans mon idée qu’il faut avant tout apprendre à aimer s’entrainer. J’ai l’impression que l’annulation des compétitions est une « catastrophe » pour de nombreux pratiquants, il faut apprendre à relativiser. Pour ma part, le plus dur sur le plan sportif, c’est de ne pas profiter pleinement de cette météo idyllique. En plus, en l’absence d’objectifs, nous pourrions nous lancer des défis hors norme avec les copains mais profitons, déjà, de la chance de vivre à la campagne et d’être en pleine forme.
LPT : Tu voudrais rajouter un mot sur ce que l’on vit actuellement ?
NM : C’est une situation difficile et en particulier pour le personnel soignant et pour les plus fragiles. En ce sens, nous sommes des privilégiés.
Cette période laisse du temps pour observer la société et je ne suis pas toujours très fier d’appartenir à notre espèce. Par exemple, la stigmatisation des coureurs ou autres sportifs nourrit quelques interrogations sur la place du sport dans notre société. Quand on observe qui meurt du Covid 19, on se dit que le sport devrait être plus valorisé pour le bien de tous.
Pour le reste, j’espère que les gens vont prendre conscience de l’absence de sens qu’il y a dans la vie de l’immense majorité de nos concitoyens. Qu’on revienne à une vie plus simple, plus solidaire et plus respectueuse de la nature. Est-ce vraiment un hasard que les régions rurales soient les moins impactées ?
Le blocage actuel démontre à quel point, nous perdons notre temps dans des futilités, des besoins créés par la société… J’ai la chance d’avoir des animaux et plus je les observe et plus je me dis qu’ils sont les plus heureux. Ils vivent le moment présent, ils apprécient le fait d’être en vie. Observons notre environnement pour comprendre que l’essentiel est à portée de main et donnons-nous une chance de préserver ce qui peut encore l’être.
LPT : questions ping-pong. Je te donne une question, tu me réponds en un mot
- Un sportif : Thibaut Pinot
- Un animal : Le sanglier
- Un pays : La France
- Un film : Gladiator
- Un livre : Nouvelle Terre
- Une qualité : L’honnêteté
- Un défaut : L’hypocrisie
- Un péché gourmand : Le chocolat